Les litiges fonciers: aborder la dimension régionale du conflit casamançais

La résolution des conflits fonciers en Casamance n’est-elle pas indispensable à un processus de paix civile ?

 

Avec l’introduction de la réforme de 1964, 98% du sol sénégalais sont soumis à l’État. Cette loi s’oppose directement au concept coutumier de la propriété, fondé sur le principe de l’antériorité de l’occupation collective par les lignages fondateurs d’un village et la répartition de ces terres entre les unités familiales.

 

L’incohérence entre les coutumes jóolas et cette loi moderne de gestion de terres, qui octroi au paysan qu’un droit d’usage sur la terre et introduit en plus la menace de la désaffection en cas de mise en valeur insuffisante, accentue les litiges fonciers. Là où la coutume avait prévu un prêt ou une attribution d’une parcelle de terre aux étrangers (une personne n’étant pas originaire du village), la législation foncière réduit la pratique de prêt de terre et la conditionne, puisque le paysan désormais peut se voir désaffecter sa parcelle empruntée au cas où l’étranger la valorisent trop fortement.

 

S’y ajoute la mandiguisation (et islamisation) qui a entraîné une hiérarchisation de l’organisation sociale renforçant les inégalités entre aînés et cadets, ainsi qu’entre familles fondatrices (propriétaires de tout le territoire) et familles d’immigrants (ayant qu’un droit d’usage). En général, la législation foncière a été très mal perçue par la population locale, qui majoritairement ne l’accepte, ni l’applique. Néanmoins, elle a fortement valorisé la terre financièrement parlant et a, à travers ce billet, ajouté le facteur de la vente illégale de terres sans consentement avec les parents. Cela ne cause pas seulement de nombreux conflits de nos jours, mais pose également la question de l’héritage perdu pour les enfants des vendeurs de terres.

 

De plus, les migrations forcées des populations accentuent la rareté des terres et engendre de nouvelles spéculations et de l’insécurité foncière. Finalement, « le compromis obligé entre les règles coutumières et les règles modernes ont poussé vers un détournement pur et simple de la loi. »

 

Les litiges fonciers contribuent à la pauvreté et aux luttes locales et constituent un frein au développement, ainsi qu’un reflet sur les rapports sociaux conflictuels irrésolus jusqu’à présent en Casamance. Une nouvelle réforme devra nécessairement inclure le droit coutumier accepté par les Jóolas et devra préliminairement gérer la question liée à l’accès aux terres pour les déplacées.

 

La question du règlement définitif de la question casamançaise se pose toujours, et cela en dépit des nombreux Accords signés par les parties en conflit. « Si la géopolitique de la Casamance, autrement dit sa géographie, a été un facteur déclenchant et complexifiant du conflit, elle est aussi, sans doute, la solution. »

 

Au-delà des considérations géopolitiques, nationales et régionales que nous avons traversés, ainsi que les dynamiques de mobilités sous les dimensions micro- et macrosociologiques que, nous avons tracés, il s’agit de rompre avec le conservatisme et de renouveler les discours sur le conflit casamançais qui n’arrête pas d’évoluer. Cela, afin de repenser les origines du conflit, de trouver des solutions incluant les divers acteurs du conflit, ainsi que les conditions de la prise en charge des déplacés.

 

Source : « Conflit et paix en Casamance : Dynamiques locales et transfrontalières », Gorée Institute – Edition 2015